Dans la Vallée du Têt, près de Perpignan, une des régions les plus ensoleillées de France, 10 producteurs cultivent des fruits. Ils les vendent en frais et ont monté ensemble une unité de transformation pour les valoriser.
Que produisez-vous ?
« Des abricots, des pêches, nectarines, pommes, poires, figues, cerises…»
Pourquoi avoir rejoint le label ?
« C’est notre manière d’envisager le commerce : l’agriculteur peut vivre, il peut payer correctement ses salariés, faire des investissements. »
Pourquoi c’est bon pour les paysan-ne-s et ma santé ?
– petite arboriculture, en adéquation avec le terroir
– relocalisation de la fabrication de jus et de confitures, gérée par les producteurs
– fruits cultivés localement et de saison, comme l’abricot « Rouge du Roussillon »
Témoignage de Pierre Giovanelli, Ille-sur-Têt, Pyrénées Orientales - Groupement NAT & BIO
Qui êtes-vous ?
Pierre, je suis installé depuis 1982 sur une ferme familiale qui était celle de mes beaux-parents, où ils faisaient de la pêche, nectarine et des salades en hiver en culture associée. En 1999 je suis passé en bio et nous avons diversifié avec des abricots, des pommes, des poires, des cerises et de la vigne.
En 2012 nous avons monté la SARL SIBIO, atelier de transformation où nous fabriquons et commercialisons des jus, nectars, confitures, compotes et soupes. En 2017 nous avons créé la SICA Nat & Bio qui regroupe 10 producteurs Bio de fruits et légumes sur le territoire de la vallée de la Têt, et qui gère l’Organisation de Producteur pour la partie conditionnement et vente sur le marché du frais.
La SICA est aussi le partenaire de la SCOP Ethiquable dans la chaîne de labellisation Bio Équitable en France pour quatre références en confiture et jus multi fruits, élaborés par SIBIO, sous la marque Paysans D’ici. Les producteurs de la SICA sont aujourd’hui actionnaires de SIBIO.
Que produisez-vous sur la ferme ?
Nous avons 40 hectares, la moitié en pêches et nectarines, puis quelques hectares de poiriers, de pommiers, de cerises, de vignes et d’abricots. La surface est restée identique depuis le début, nous avons seulement diversifié les productions. Nous avons une dizaine de variétés d’abricots, 4/5 variétés de pommes et une vingtaine de variétés de pêches/nectarines pour produire de juin à fin août. Nous vendons surtout du frais, et depuis quelques années nous développons aussi les jus notamment avec SIBIO.
Combien de personnes travaillent avec vous ?
J’ai deux salariés à temps plein, et lors des périodes de fortes activités on embauche une petite vingtaine de personnes.
Que faites-vous en ce moment ?
Nous sommes en plein nettoyage des vergers, on greffe aussi des poiriers. On a commencé la cueillette des pommes, qui s’étend jusqu’à fin octobre. Ensuite on passe à la taille des fruitiers, d’octobre à fin mars. Entre avril et mai c’est la période de l’éclaircissage, c’est la période où il y a le plus de monde dans les vergers car cela nécessite beaucoup de main d’œuvre et cela doit être fini avant fin mai. Cela consiste à faire tomber manuellement des fruits sur toutes les branches pour permettre aux fruits restants de se développer correctement. La pêche et la nectarine sont des espèces qu’on appelle « auto-fertiles » donc chaque fleur donne un fruit, et on ne peut pas toutes les conserver sinon les fruits restent petits et non commercialisables.
C’est notre manière d’envisager le commerce : l’agriculteur peut vivre, il peut payer correctement ses salariés, faire des investissements…
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans vos vergers ?
Nous avons eu cette année un peu de gel mais beaucoup moins que les autres régions. Par contre cette année nous avons eu une forte pression en pucerons, les rendements étaient donc moins bons. Ce sont surtout les pêches qui y sont très sensibles. Pour lutter contre les pucerons on traite les arbres avec des huiles de paraffine en hiver, accompagnées de traitements à base de kaolin, ou encore d’huiles essentielles, mais toutes ces méthodes sont efficaces seulement sur une petite pression. Cette année, ces moyens de lutte sont restés insuffisants.
Nous faisons aussi très attention à la gestion de la ressource eau. On évite d’arroser au-delà des besoins du végétal, nous avons de la chance d’avoir un terroir privilégié où nous avons du vent et pas beaucoup de pluie. En bio nous pouvons nous permettre de vendre des fruits plus petits, donc nous pouvons limiter l’excès l’arrosage, qui peut induire des excès de croissance et des problèmes de conservation.
Quels sont vos projets ?
J’ai 62 ans, mon principal projet est donc de transmettre mon exploitation, cela va se concrétiser l’année prochaine. De mon côté je vais me consacrer à SIBIO : nous allons déménager pour de nouveaux bâtiments et de nouvelles installations, notamment pour pouvoir conserver les fruits dans des conditions optimales. Cela nous permettra de développer notre marque, nos transformations, et de se positionner sur le marché des purées et des morceaux de fruits.
En quoi le commerce équitable est-il important pour vous ?
C’est notre manière d’envisager le commerce : l’agriculteur peut vivre, il peut payer correctement ses salariés, faire des investissements… Ce travail sur les prix et les coûts de production et de distribution nous l’avons commencé avec Biocoop, puis avec Ethiquable.
Déjà le passage en bio c’était quelque chose de construit chez moi par rapport à l’environnement mais aussi par rapport à la façon de travailler avec les salariés. Naturellement avec l’ensemble des fournisseurs ou des clients impliqués dans la Bio se pose la problématique du prix, le respect de combien ça coûte et comment trouver des solutions pérennes pour que l’ensemble des acteurs s’y retrouvent et vivent de leur travail. C’est essentiel de pouvoir laisser de la trésorerie sur la ferme pour investir sur de nouveaux projets. Par exemple avec la SICA nous avons le projet de faire des agrumes. Heureusement ou malheureusement, avec le changement climatique, nous pouvons désormais tenter de cultiver des clémentines et des oranges dans notre région.